Virilité : la taille en question
D’une manière générale, nous sommes difficilement tranquilles avec notre corps. Bien entendu les critères esthétiques d’une époque, permettent à certains de se sentir plus favorisés que d’autres. Malgré tout, ils n’en sont que rarement plus rassurés. Car derrière nos petits complexes, plus qu’une réalité mesurable, se raconte notre crainte de ne pas trouver notre place dans l’amour ou l’intérêt de l’autre et dans la société dans laquelle nous évoluons.
C’est dans les premiers temps de sa vie, au travers de la relation que l’enfant entretient avec sa mère et la valeur qu’elle lui renvoie, mais aussi au travers de l’accueil que lui accorde son père que l’enfant mesure la légitimité de sa place et ses possibilités et pouvoirs à venir.
Pour grandir et se tranquilliser quant à lui-même il lui faut peu à peu prendre sa juste place en tenant compte de la présence paternelle qui s’interpose au beau milieu d’une relation que l’enfant voudrait fusionnelle et exclusive, et qu’il fantasme toute puissante.
Il lui faut également se rendre à l’évidence de l’intérêt de la mère pour le père (ou celui qui fait office de père) et qui la détourne vers un autre objet d’amour que lui.
C’est dans l’acceptation de cette présence que l’enfant va renoncer à être le centre d’intérêt exclusif de la mère et envisager le père puissant et ce qui le spécifie, expression de ce grand pouvoir. Ainsi le phallus du père (expression fantasmatique de son pénis) incarnera dans l’imaginaire de l’enfant l’origine de ce pouvoir et une référence pour son avenir d’homme.
L’histoire personnelle de chacun, c'est-à-dire la lecture inconsciente que l’enfant a de la bonne définition ou non de cette relation triangulaire et l’originalité des interactions entre les différents protagonistes, fera la spécificité de sa reconnaissance quant à l’expression phallique paternelle. C’est aussi dans l’accueil que la mère accorde ou non au père, la tranquillité relationnelle ou au contraire la rivalité du père avec son enfant vis-à-vis de sa femme, que le petit le petit garçon, évalue son propre pouvoir présent et à venir dont son pénis en sera l’expression symbolique.
Par exemple, selon que ce positionnement paternel et sa reconnaissance a opéré dans l’inconscient du jeune garçon une « castration » bienveillante (au sens de la rupture du lien fusionnel et du fantasme de toute puissance de l’enfant sur la mère), elle permettra à l’enfant de prendre le temps de sa construction, le temps tranquille du « petit zizi » avec le projet d’un pouvoir dans l’avenir à l’image de la représentation paternelle du « grand zizi ».
Si cette « castration » a été violente ou humiliante, elle participera à un complexe d’infériorité et un jugement sévère de lui-même, à une vision agressive du pouvoir phallique : à reproduire pour prendre sa place selon le modèle proposé ou à refouler pour ne pas être dangereux.
Par contre si les positions parentales n’ont pas imposé à l’inconscient de l’enfant cette castration voire l’on conforté dans sa toute puissance ou lui en ont permis le déni, cela aura tout lieu de renvoyer l’enfant à une confrontation douloureuse avec le réel et à la culpabilité ou la peur inconsciente d’avoir détrôné le père ou conquis la mère.
Là ne sont bien entendu que des exemples. Il va de soi, que la construction humaine est autrement plus complexe. Les aléas relationnels et autres « accidents » de parcours auxquels nous sommes confrontés tout au long de notre évolution font la très grande diversité des organisations, la spécificité de notre compréhension et de notre lecture du réel…Une lecture donc travestie y compris en ce qui concerne le réel de notre propre corps…et de notre sexe !
Même affublés de mensurations dans la norme -au sens du plus grand nombre- la compréhension que certains ont de leur histoire d’enfant et la difficulté d’alors à trouver leur juste place, leur font considérer avec inquiétude leur sexe. Une inquiétude qui ne manque pas de se nourrir plus encore des frustrations féminines, certains s’attribuant trop rapidement la responsabilité d’une absence du plaisir féminin.
Faire la paix avec la taille de son sexe c’est poser un regard paisible et confiant sur soi même, c’est s’autoriser l’incarnation de sa spécificité et l’expression de sa virilité.
Et faut-il le rappeler, le sexe féminin n’est pas un trou béant, une cavité immense dans laquelle un pénis pourrait se perdre. Le vagin est une cavité virtuelle dont les parois se touchent au repos pour se mouler parfaitement à la taille du pénis lors de la pénétration.
Ce qui aboutit ou non dans la rencontre sexuelle n’est pas lié à la dimension des sexes (hors malformations) mais bien à ce qui se joue dans la relation à soi-même et à l’autre.
Lectures
Auteur de chronique mensuelle pour Psychologies magazine.
Auteur du livre "La Sexualité décomplexée"
2015 | Flammarion.
Auteur du livre "La Sexualité des femmes n'est pas celle des magazines"
2004 | La Martinière.