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L’abstinence est plus difficile pour les hommes

N’aurions-nous de cesse que de considérer la sexualité comme l’expression d’une pulsion sauvage et autonome contraignant l’individu à une lutte acharnée pour tenter de la réprimer ? Et dans la foulée, de nous persuader que l’homme serait plus particulièrement à la torture car la testostérone –l’hormone du désir –, est en plus grande quantité chez lui ?

Et heureusement, pensez donc, car à production plus importante, les femmes auraient de la barbe et des biscottos de gladiateur ! Cette idée reçue, qui confère la palme de la frustration au masculin, prêterait à sourire si elle n’avait justifié, des siècles durant, le devoir sexuel féminin pour la paix des ménages.

Bien entendu, on ne peut négliger la richesse et les variations du fonctionnement hormonal de la femme. Loin d’être linéaire, il fait tantôt sa grande appétence à la sexualité pour répondre à sa posture féconde, tantôt ses indisponibilités. Ainsi en est-il de la production de prolactine, l’hormone de la lactation, qui stoppe la libido de la mère pour lui permettre de répondre par son entière disponibilité, aux besoins de soins de son enfant.
Mais n’oublions pas que la sexualité humaine ne peut se réduire à une histoire liée à la procréation. Du point de vue physiologique, c’est là que s’arrêtent les différences de rythme entre les désirs féminin et masculin. C’est donc bien du côté de l’acquis qu’il faut chercher à comprendre les fondements de cette lecture tronquée des possibles érotiques de chacun : leurs capacités à la patience, à la jouissance du désir à défaut de sa réalisation, ou encore au détournement de ces excitations vers d’autres expressions et créativités quand la réponse du partenaire tarde.

La construction psychique du petit garçon et de la petite fille ne les invite pas à la même appréciation de la frustration. Quand le garçonnet est dans la jouissance de l’accueil d’un désir évident à l’aune de ses érections, la petite fille, elle, se trouve perplexe quant à ce qu’elle ne voit pas et, pense-t-elle, ne possède pas, ce qui la confronte à un sentiment douloureux de castration. Par ailleurs, quant vers l’âge de 3 ans, ils entrent l’un et l’autre dans la période œdipienne à la découverte de leur spécificité corporelle, la « grande entreprise de séduction » de la petite fille à l’égard de son papa l’oblige à des compromis et à des renoncements douloureux : d’un côté, elle cherche ses attentions mais de l’autre, ne peut s’y autoriser pleinement par crainte de trahir sa mère qui lui prodigue ses soins. Le petit garçon, lui, ne connaît pas ce tiraillement puisque sa mère est celle qui répond à ses besoins et à cette occasion, celle auprès de qui il fantasme prendre la place d’amoureux. Parce que la mère est dans le devoir des soins journaliers, le garçon voit ainsi, chaque jour, ses désirs satisfaits…

Chacun de nous a une lecture inconsciente colorée de son histoire personnelle et de sa vie sexuelle. Chacun de nous accueille à sa manière son désir et sa capacité à faire avec la frustration. Or ceci n’est qu’une lecture psychique, et non le réel de notre aptitude à désirer ou à patienter. C’est en cessant de confondre désir et besoin que l’homme peut gagner en liberté, en sécurité, et ainsi épanouir sa sexualité.

 Lectures

Auteur de chronique mensuelle pour Psychologies magazine.

La Sexualité décomplexéeAuteur du livre "La Sexualité décomplexée"
2015 | Flammarion.

La Sexualité des femmes n'est pas celle des magazinesAuteur du livre "La Sexualité des femmes n'est pas celle des magazines"
2004 | La Martinière.

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