Quand faut-il évoquer une infection sexuellement transmissible ?
Dr Frédérique Fiszenson-Albala,
Dermatologue, Vénéréologue et Lasériste
Certains signes cliniques sont pris à tort pour des infections sexuellement transmissibles pour la seule raison qu'ils touchent les parties intimes et plus encore lorsqu'ils se produisent peu de temps après un rapport non protégé ou mal protégé avec un(e) partenaire non officiel(le) ou plus généralement dans le cadre d’une nouvelle relation.
Ainsi les petites rougeurs du bout de la verge deux jours après un rapport sont souvent des dermites d'irritation au préservatif.
Les signes urinaires avec les brûlures mictionnelles (au passage des urines) peuvent n'être liés qu'à une banale infection urinaire. En effet, les cystites chez les femmes surviennent parfois après des rapports sexuels car le frottement fait migrer jusqu'au méat urinaire, très proche, les germes digestifs normalement présents dans la région périanale.
Des affections purement dermatologiques inflammatoires et non infectieuses se localisent aussi sur la verge, la vulve ou les testicules comme l'eczéma, le lichen, le psoriasis, une allergie médicamenteuse. On observe ainsi des plaques érythémato-squameuses (des rougeurs desquamatives) ou des décollements muqueux parfois accompagnées d'un grattage et d'une sensation de cuisson.
Des aphtes génitaux s'observent dans des maladies inflammatoires (maladie de Behcet, Crohn...) sans lien avec un germe.
Les pertes ou leucorrhées de la femme se produisent de manière physiologique lors du cycle. Lorsqu'elles sont pathologiques, elles n'ont pas toujours de lien avec les rapports car ce sont fréquemment des candidoses ou mycoses à candida albicans liées à un traitement antibiotique ayant déséquilibré la flore, un stress important ayant rendu acide le ph vaginal.
En revanche, s’il n’est pas question de paniquer devant certains signes cliniques, il ne faut jamais hésiter à évoquer une IST et faire faire les prélèvements locaux et les sérologies pour s’assurer du diagnostic, et le cas échéant éliminer une association avec d'autres IST, afin de réaliser un traitement efficace.
Car outre le fait que sans traitement une épidémie peut débuter, certaines IST exposent à des risques sévères: douleurs chroniques lors du passage des urines, troubles de la sexualité, passage vers une maladie grave (syphilis, papillomavirus), stérilité et infertilité (chlamydiae, mycoplasme).
La suspicion d'une IST et sa prise en charge se font avec prudence:
Le médecin veille à faire préciser le contexte (récidives des lésions, utilisation de préservatifs...) ainsi que les signes fonctionnels (difficultés à uriner, plaies de la verge, douleurs...).
Il procède à une mise en confiance en impliquant son patient et ses(son) partenaires, (même si ces derniers n'ont pas de signes cliniques), à l'explication de la nécessité de traiter et de contrôler, et cela sans jamais chercher à culpabiliser.
Le rôle du médecin en effet n’est pas de chercher la ou les personnes en cause mais bien de soigner efficacement.
Il faut d'ailleurs signaler que certaines IST sont latentes. Le virus de l'herpès génital après la guérison du premier épisode (ou primo-infection), demeure indéfiniment au repos dans l’organisme. Les patients qui ne font pas de poussées par la suite (ou récurrences herpétiques) sont des porteurs dits sains alors qu'en théorie, même s'ils n'ont plus jamais de lésion, ils excrètent du virus et peuvent ainsi contaminer quelqu'un sans le savoir.
Parfois les IST ont déjà été traitées et le porteur s'est estimé guéri donc non contagieux d'où un suivi nécessaire.
D'autre part et c'est un cas très fréquent, la personne à l'origine de la contamination ignore totalement qu'elle est porteuse: si le gonocoque est très douloureux, le chlamydiae ne s'accompagne pas toujours de signes fonctionnels chez l'homme.
L'examen clinique dans la rechercher d’une IST ne s’arrête pas à la vulve ou à la verge (anus, bourses, examen au spéculum chez la femme, muqueuse buccale…)
Ainsi toute ulcération génitale (érosion de la muqueuse ou de la peau avec mise à nu du derme) doit faire évoquer une IST.
L'herpès génital est la première cause d'ulcération génitale en pays industrialisés.
La syphilis (chancre syphilitique) est souvent une ulcération unique large indolore avec de gros ganglions indolores d'où parfois une ignorance ou un désintérêt des patients et un passage vers la syphilis secondaire.
D'autres chancres comme le chancre mou surviennent en zones tropicales.
Le chancre scabieux ou localisation sur la verge du parasite de la gale se retrouve dans un contexte de grattage de tout le corps à prédominance nocturne. La gale n'est pas à proprement parler une IST mais une maladie de contact direct prolongé. Elle peut se transmettre ainsi lors de rapports sexuels mais pas uniquement.
Les écoulements uréthraux et les leucorrhées (pertes) chez la femme s'accompagnent de douleurs, de sensation de grattage, d'irritation, font rechercher une chlamydiose, une gonococcie, une trichomonase.
Une symptomatologie douloureuse génitale, urinaire ou anale associée ou non à des signes cliniques inflammatoires, doit faire éliminer une infection à germes urinaires ou liée à une IST.
La culpabilité souvent associée à la vie sexuelle peut être à l’origine d’une symptomatologie sur la zone génitale ou de douleurs lors du coït ou de l’éjaculation mais ce diagnostic ne peut être envisagé que dans un deuxième temps après avoir consciencieusement éliminé toutes les causes organiques.
En conclusion, depuis l'avènement des antibiotiques, la plupart des IST bénéficient d'un traitement efficace lorsqu'elles sont prises à temps, mais cela ne dispensent en aucun cas du port du préservatif. En effet les infections sexuellement transmissibles virales comme l'herpès ou beaucoup plus grave le HIV ou virus du sida se traitent par des antiviraux qui diminuent le nombre de virus mais ne les font pas disparaître de manière complète.
Pour le virus du sida, en l'absence de traitement, il est à l'origine d'une diminution des défenses immunitaires et de l'apparition de maladies liées à ce contexte dites opportunistes.
La sexualité est déjà naturellement très encombrée de gènes, de pudeur, de culpabilité. Ainsi, dans ce contexte et à fortiori dans un contexte de désir nous ne parlons pas toujours des IST et en particulier du VIH, sortez donc toujours couverts et bien couverts !
Profitons-en pour rappeler que les préservatifs doivent être de bonne qualité, jamais exposés au soleil, gardés dans un endroit frais, manipulés avec soin, et retirés immédiatement après l'éjaculation et avant la diminution complète de l'érection!
Lectures
Auteur de chronique mensuelle pour Psychologies magazine.
Auteur du livre "La Sexualité décomplexée"
2015 | Flammarion.
Auteur du livre "La Sexualité des femmes n'est pas celle des magazines"
2004 | La Martinière.