La fellation est-elle une façon d’éviter de faire l’amour ?
Contrairement au désir de faire l’amour qui est porté par l’ambition d’un orgasme, le désir de faire une fellation ne participe pas du même projet.
Ce qui peut être excitant, c’est d’exciter son partenaire, le faire jouir, et peut-être jouir soi-même d’être celle qui ose cette impertinence !
Ce désir est lié au sentiment de puissance que la fellation confère, à savoir amener l’homme à se sentir fébrile, à faire grandir son sexe. C’est forte de cette valeur que l’envie de faire l’amour peut naître. Cela dit, la femme peut observer que l’homme aime particulièrement qu’elle soit tournée exclusivement vers son sexe, que la fellation est pour lui déjà une source de satisfaction, et potentiellement la finalité de son plaisir.
Si elle veut éviter la pénétration, une relation sexuelle qui l’encombre ou ne la satisfait pas, elle peut être tentée de réduire la sexualité à cette pratique. Quand elle se contente de satisfaire son partenaire, celui-ci lui renvoie l’image d’une femme qui sait s’y prendre pour lui donner du plaisir. Ce faisant, elle règle, croit-elle, son problème. Tout à son égoïsme, l’homme peut s’illusionner quant à sa virilité, se dire qu’il a une sexualité abondante et satisfaisante, oubliant que la relation a fini par se construire sur sa seule jouissance, sans qu’il n’y participe activement…
Attention, il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur la fellation, qui est une jolie tendresse : le plaisir pris à recevoir ou à donner cette attention particulière est tout à fait légitime. Elle ne pose question que lorsqu’elle n’est là que pour éviter les enjeux d’une relation sexuelle plus complexe, nécessitant de l’énergie, une mise en scène, une confiance pour donner et se donner l’un à l’autre. Ayant trouvé ce moyen efficace et rapide pour répondre à la demande de sexualité de son compagnon, la femme n’aborde pas ses difficultés – absence de désir ou de jouissance, peur de l’intrusion, soumission aux désirs de l’autre et déni des siens - et donc les accentue.
Si d’aventure, le couple tente de faire l’amour, elles vont s’en trouver décuplées, puisqu’ils ont pris l’habitude de les contourner soigneusement… Quand la sexualité fait une part trop belle à la fellation, celle-ci pose la même question que la masturbation addictive chez certains hommes, qui n’arrivent plus à trouver une sexualité à deux.
Cette question en amène une autre : pourquoi la fellation est-elle tellement investie par l’homme ? Qu’une femme soit toute tournée vers lui et sa satisfaction, sans qu’il n’ait rien à faire ne lui rappelle rien ? N’est-ce pas les soins que lui dispensait sa mère ? Comment peut-il alors prendre sa position d’homme lorsque la fellation devient systématique dans la relation, et qui plus est, s’il y rejoue de façon récurrente ces besoins d’enfant ? Peut-être évite-t-il, lui aussi, ses difficultés d’homme, son doute sur ses capacités, sa crainte de ne pas contenter sa partenaire, sa difficulté à l’effort de tendre vers la rencontre ?
Lectures
Auteur de chronique mensuelle pour Psychologies magazine.
Auteur du livre "La Sexualité décomplexée"
2015 | Flammarion.
Auteur du livre "La Sexualité des femmes n'est pas celle des magazines"
2004 | La Martinière.