Quelle métaphore ! Donner du crédit à cette affirmation serait participer de la confusion - fréquente - entre le besoin alimentaire, vital à la survie de l’individu, et le désir sexuel, expression de son cheminement. Un mélange des genres qui place le sexe du côté de la souffrance, dans ses excès comme ses insuffisances :
lui consacrer trop peu de temps, ce serait risquer la famine, et lui accorder trop d’importance, ce serait l’indigestion ! Chacun y va alors de son conseil, projetant sa préoccupation face à son angoisse de mort : « Allez un effort, l’appétit vient en mangeant ! » ou dans le cas qui nous concerne « Attention, l’abus est dangereux pour la santé ! » Faudrait-il alors concevoir le désir et la valeur de la sexualité à l’aune de la frustration ? Réduire l’intérêt, le but de la sexualité à l’apaisement (le soin) d’une souffrance ?
La formule fait du sexe un sujet à part entière - responsable, donc ! - et non le moyen d’une rencontre entre deux individus ou le moyen d’une expression personnelle. Et c’est peut-être là que le bât blesse le plus : quand l’organe, le sexe, devient l’acteur principal incontournable et tyrannique qui fait oublier la sexualité et ce qu’elle dit de singulier dans une rencontre et dans son écriture érotique. Le partenaire est réduit à son rôle de « décharge », la sexualité tourne en rond dans une sorte de danse mécanique et masturbatoire et se meurt.
Opposer la quantité à la qualité est tentant. Mais qu’est-ce qui empêche la quantité d’être qualitative ? Plus qu’à la nécessité de se nourrir, faire l’amour s’apparente plutôt à une autre de nos appétences, psychiquement vitale : la parole. Se parler, c’est une aptitude à la relation et à l’expression de nos émotions, de notre regard sur nous-même et sur le monde. Si nous devions associer en quantité les mots pour les mots, nous finirions par parler pour ne rien dire. Evoquer le sexe pour le sexe, si délicieux cela soit-il, supprime de la même façon la conversation amoureuse ou érotique de la sexualité, et nous finissons par la priver de sens.
Il n’est donc pas question de vous inviter à être laconique, vous n’encourez aucun risque à vous exprimer et à converser au rythme que vous souhaitez, ce qui tue le sexe c’est l’absence de la relation !