On ne peut pas désirer la même personne toute sa vie !
Quand la sexualité humaine s’est démarquée de l’acte de pénétration à but de reproduction, un espace s’est ouvert pour la rencontre intime et le plaisir érotique. Elle est alors devenue un lieu d’expression et d’aventure à part entière, où chacun peut explorer sa créativité, son excitation, sa jouissance.
Par voie de conséquence, la relation de couple, et y mesurer ses aptitudes sensitives et émotionnelles individuelles d’homme ou de femme. Par voie de conséquence la relation de couple, qui hier été le lieu -privilégier ou obligé- où vivre sa sexualité, semble aujourd’hui poser des limites à cette nouvelle liberté individuelle. La richesse de nos vies sociales et professionnelles ouvre notre regard sur les autres, et sur de nombreuses opportunités auxquelles il nous faudrait renoncer pour le bien du couple. L’idéal d’hier -l’âme sœur- s’en trouve déstabilisé, et ce d’autant plus fortement que notre état de vieillesse physique a plus que considérablement reculé. Le temps de la vitalité étant ainsi étiré, se pose régulièrement la question du renouvellement du désir : comment le garder vif et faire perdurer la qualité du lien érotique quand de nouvelles rencontres nous font aisément surfer dans une dynamique de conquête ?
Considérer que l'on ne peut pas désirer la même personne toute sa vie, c’est n’envisager que sa propre évolution et son ambition personnelle, et réduire celui ou celle qui était son objet d’amour à l’état d’objet justement, que le temps rendrait obsolète. Cette idée reçue mettrait-elle en lumière notre difficulté à accueillir l’autre dans ce qui, chez lui ou elle, échappe à notre compréhension et notre contrôle ? Ainsi persuadés de le ou la connaître par cœur, ne signerions-nous pas, plus que ne le fait le temps lui-même, l’arrêt de mort de notre désir pour l’autre ?
Cette idée reçue semble aussi illustrer à merveille notre grande difficulté à faire avec la frustration provoquée par le renoncement à d’autres possibles érotiques. Une frustration pourtant inévitable, qui participe de notre condition humaine, n’en déplaise à notre société moderne, qui voudrait nous laisser penser qu’un défaut de consommation, quel qu’il soit, relève d’un mal-être, d’un manque d’ambition ou de curiosité. Cette frustration pourtant, à défaut d’être légère et réjouissante, est salvatrice : Elle nous permet d’être l’acteur de la réponse à nos pulsions et de ne pas être soumis au fantasme qu’elles seraient tyranniques et à assouvir de toute urgence pour s’en libérer !
Bien entendu, la relation amoureuse connaît à moult reprises des silences et des rythmes dissonants. En perdrait-elles pour autant son attrait sexuel ? Oui, si l’on en croit que faire le tour de la question sexuelle est histoire de positions. Oui, si l’on pense qu’il faut être sans cesse sexuellement actif pour témoigner d’être vivant, aimants et aimés. Ne devrions-nous concevoir le plaisir qu’à l’aulne de sa fulgurance, et à défaut, faire reproche à son partenaire de ne pas être sans cesse nourricier. Non, la sexualité est l’art de l’adulte avec sa capacité à faire avec l’autre et non la revendication de l’enfant anxieux quant à ses manques.
Lectures
Auteur de chronique mensuelle pour Psychologies magazine.
Auteur du livre "La Sexualité décomplexée"
2015 | Flammarion.
Auteur du livre "La Sexualité des femmes n'est pas celle des magazines"
2004 | La Martinière.